Une revue dédiée aux « woke studies » doit s’inscrire dans une démarche académique rigoureuse, tout en répondant aux enjeux contemporains liés à l’évolution des débats sur l’inclusivité, la justice sociale, l’égalité et les dynamiques de pouvoir. Une telle publication ne saurait se limiter à une simple prise de position idéologique ou militante ; elle doit au contraire offrir une plateforme pour une analyse profonde, critique et nuancée des fondements culturels, historiques et anthropologiques du wokisme. Le wokisme, compris comme un mouvement cherchant à sensibiliser aux inégalités et aux discriminations systémiques, doit être interrogé, disséqué et évalué sous divers angles méthodologiques pour révéler ses impacts sur la société contemporaine.

Le cadre théorique et méthodologique de la revue

La revue de « woke studies » se situerait à la croisée des sciences sociales, de la philosophie, de la psychologie, et des études culturelles. Il serait fondamental d’adopter une approche interdisciplinaire permettant de croiser des perspectives sociologiques, anthropologiques, et historiques. L’enjeu est d’interroger les racines du wokisme en tant que phénomène social, tout en évitant l’écueil d’une analyse simpliste qui réduirait ce mouvement à une posture politique.
Les chercheurs et chercheuses contribuant à la revue pourraient s’appuyer sur des travaux en études postcoloniales, en études de genre, en études raciales, mais également sur les théories critiques du pouvoir, de la classe et du capitalisme. Par exemple, il serait pertinent d’explorer les relations entre le wokisme et les théories intersectionnelles qui prennent en compte la complexité des discriminations croisées (race, genre, classe, sexualité, handicap, etc.). En parallèle, la revue pourrait s’intéresser à des cadres d’analyse issus de la psychologie sociale et cognitive, pour comprendre comment les individus construisent leur identité politique et morale au sein de ce mouvement.

Définir le wokisme : un objet d’étude mouvant et conflictuel

L’un des premiers défis pour une revue de « woke studies » serait de définir de manière rigoureuse ce que recouvre le terme « wokisme ». Le mot est souvent utilisé de manière péjorative ou imprécise, tant dans les débats médiatiques que politiques. Or, dans un contexte académique, il est impératif de clarifier les concepts. Le wokisme pourrait ainsi être défini comme un mouvement de sensibilisation et d’action contre les discriminations, cherchant à rendre visible les dynamiques de pouvoir et de domination, que celles-ci soient liées à la race, au genre, ou à d’autres systèmes d’inégalité.
La revue se pencherait sur l’évolution historique du concept, en étudiant ses racines dans les mouvements des droits civiques, du féminisme, et des luttes anti-coloniales. Ce qui distingue le wokisme des mouvements précédents serait notamment sa capacité à s’institutionnaliser dans certaines sphères, et son appropriation par une jeune génération hyper-connectée et globalisée, façonnée par les réseaux sociaux.
Par ailleurs, il conviendrait d’analyser comment le wokisme se présente comme une réponse à l’inaction perçue des institutions politiques et juridiques traditionnelles. En ce sens, la revue pourrait examiner l’opposition entre les défenseurs du wokisme, qui voient dans ce mouvement une prise de conscience nécessaire des injustices systémiques, et ses détracteurs, qui l’accusent d’intolérance, voire d’entraver la liberté d’expression au nom du politiquement correct.

Une approche critique : évaluer les forces et les limites du wokisme

Si la revue de « woke studies » entend étudier le wokisme avec la plus grande objectivité possible, elle ne doit pas pour autant esquiver les critiques du mouvement. Il s’agirait d’encourager une réflexion critique et argumentée sur les limites et les effets paradoxaux du wokisme. Par exemple, certains articles pourraient interroger la tendance du mouvement à polariser les débats, en réduisant souvent les positions à une dichotomie simpliste entre opprimé·e·s et oppresseur·se·s. La revue pourrait examiner les conséquences de cette polarisation sur le débat public, sur l’espace universitaire, et plus largement sur les institutions démocratiques.
D’autres pistes de réflexion pourraient inclure l’examen du wokisme sous l’angle de la performativité, en s’appuyant sur les théories de Judith Butler. Comment le wokisme, en cherchant à visibiliser les discriminations et à corriger les biais systémiques, peut-il parfois générer des effets contre-productifs ? Par exemple, comment éviter que la volonté de déconstruire les rapports de pouvoir ne finisse par engendrer des formes de conformisme moral, voire de nouvelles normes contraignantes ?
La revue pourrait également analyser la réception du wokisme dans différents contextes géographiques et culturels. En effet, s’il est souvent perçu comme un mouvement globalisé, le wokisme ne s’inscrit pas de la même manière aux États-Unis, en Europe, ou ailleurs. Une approche comparatiste permettrait de mieux comprendre les spécificités nationales du mouvement, tout en mettant en lumière les différences dans la façon dont les sociétés réagissent aux questions d’inclusivité et de justice sociale.
Une ouverture aux débats et à la pluralité des voix
Enfin, une revue de « woke studies » ne saurait être un lieu de pensée monolithique. Bien que l’objet d’étude soit le wokisme, il serait essentiel d’encourager la diversité des points de vue, y compris ceux qui expriment des critiques constructives. La publication pourrait ainsi donner la parole à des chercheur·e·s d’horizons variés, en créant un espace de débat qui ne soit ni dogmatique, ni univoque. L’objectif serait de contribuer à une meilleure compréhension du wokisme en tant que phénomène socioculturel, et non de promouvoir ou de discréditer le mouvement.
Un volet intéressant de la revue serait d’intégrer des contributions venant d’intellectuels, d’activistes, de journalistes, ou encore d’artistes qui explorent, à leur manière, les questions soulevées par le wokisme. De même, des réflexions sur les implications éthiques et pédagogiques du wokisme dans les espaces éducatifs, les entreprises, ou encore les politiques publiques pourraient être développées.

Conclusion : une revue à la croisée des chemins entre théorie critique et enjeux contemporains

En conclusion, une revue dédiée aux « woke studies » aurait pour mission d’éclairer avec rigueur et nuance les enjeux sociétaux soulevés par le wokisme, en mobilisant des outils théoriques issus des sciences sociales, de la philosophie, et des études culturelles. Elle viserait à être un lieu de réflexion critique sur la manière dont les sociétés contemporaines réagissent aux défis posés par les inégalités, tout en restant attentive aux dangers de la polarisation et de la simplification des débats. Une telle revue permettrait non seulement de mieux comprendre les dynamiques du wokisme, mais aussi d’ouvrir un espace de dialogue éclairé sur les questions cruciales qui façonnent notre époque.